Le 9 octobre 1928, Elmet Mac Donnel, tenancier du bar clandestin « Le Mac Donnel », à New-York, recevait un mystérieux appel téléphonique de la part d'un notaire nommé Peter Nichols, situé à Arkham, Massachusetts. Celui-ci lui annonça le décès d'un parent inconnu, un vieil oncle nommé Silas McCrindle, ainsi que l'héritage qui l'accompagnait. Celui-ci était composé d'un terrain, d'une maison ainsi que de tous les biens qu'elle contenait et dont le montant total s'élevait à plus de 20.000 dollars. Peter Nichols voulait qu'Elmet se rende à Arkham dans les plus brefs délais et pour deux ou trois jours afin de régler ces formalités...

 

C'est accompagné de ses amis Jack Shepard, Edward Riener, Tobias Selwyn et Earl Wyatt, venus le soutenir dans cette triste épreuve, qu'Elmet fit le trajet jusqu'à Arkham, ce qui leur prit une bonne journée de route. Le lendemain, après avoir réglé les formalités administratives avec Peter Nichols et même rencontré le Père Paul Sheen de l'église catholique locale afin d'organiser l'inhumation de son oncle, Elmet décida d'aller visiter la maison dont il avait hérité. Celle-ci se trouvait su le sommet d'une petite colline, non loin d'un ancien cimetière abandonné, à l'orée de la ville. La maison était en piteux état ainsi que tout ce qu'elle contenait. Elmet décida donc de vendre le tout, excepté quelques argenteries et verreries coûteuses qu'il récupéra pour son bar. Il fit alors appel aux services de la très professionnelle Elizabeth West, vendeuse de biens mobiliers et immobiliers, qui se chargea d'organiser le nettoyage des lieux ainsi que la vente aux enchères qui s'ensuivit et la maison fut vidée et vendue en moins d'une journée ainsi que tous les biens qu'elle contenait...

 

Mais, le soir venu, alors qu'ils étaient en train de dîner au très chic restaurant d'Arkham le Desolate Highway Café, notre groupe d'amis virent le notaire Peter Nichols accourir vers eux, semblant paniqué et extrêmement désolé. Il expliqua alors à Elmet qu'il avait oublié de lui donner une lettre de son oncle qui, disait-il, s'était glissée dans un autre dossier :

 

« Je t'ai protégé de la vérité pendant toutes ces années où tu as été un enfant, mais le temps est désormais venu où seule la vérité te protègera.

 

Une génération auparavant, une tragédie est advenue dans notre famille, celle des McCrindle de Greenwood dans le Wisconsin. Ton père Owen était une personne extraordinaire ; il était le gardien légitime des livres. Sa position n'avait pas été totalement acceptée, car son frère Darcus – un homme maléfique et plein d'amertume – voulait les ouvrages pour lui.

 

Darcus avait été corrompu par des enseignements viciés. Dans sa poursuite incessante du pouvoir, il trahit la confiance de ton père et assassina ta famille. Il en aurait fait de même avec toi si je n'avais pas réussi à t'envoyer loin de lui. Je te confiais à une famille d'accueil, les Mac Donnel, qui, je le savais, saurait t'élever comme leur propre enfant. Mais tu n'étais pas la seule chose que je devais protéger – il y avait les livres. Je les prenais donc et cherchais l'obscurité, ici, à Arkham, devenant juste un autre fou traînant aux abords du campus Miskatonic.

 

Pendant des centaines d'années notre famille a gardé cette connaissance interdite. La légende raconte que ces livres détiennent une puissance et un pouvoir secrets qui pourraient détruire l'humanité s'ils venaient à tomber entre de mauvaises mains. Parmi nous, seul Darcus a jamais osé étudier ces volumes. Je t'en supplie, quand tu les trouveras, ne les lis pas. Personne ne sait pourquoi les livres n'ont pas été détruits – peut-être une destiné encore irrésolue les attend-elle, comme cela a été le cas pour notre famille. Bien qu'ils aient le pouvoir d'amener un mal terrible sur le monde, ils détiennent sans doute la clef pour défaire ce mal.

 

Ma compréhension du Grand Livre est un livre bleu marine doté d'une reliure en tissus et dans un état médiocre. Son titre est étiqueté sur sa couverture. Il comprend plusieurs centaines de pages.

 

Monstres et leurs semblables a son titre inscrit en petites lettres d'or sur une reliure de cuir vert. Le livre souffre de marques d'usure importantes. Les décolorations tachetées témoignent de dégâts dus à l'eau. Des portions significatives de la tranche et des pages ont été rongées par les rats, et la colle et la reliure ont été suffisamment détériorées pour que ses pages éparses soient désormais attachées entre elles par une ficelle, comme pour un paquet.

 

Le Cthaaat Aquadingen par Edwin Fisher (1783). Ce livre a été rédigé à la main avec une écriture au style élisabéthain dans un grand livre de comptes. Le titre ainsi que le nom de l'auteur sont inscrits sur une feuille volante que contient la couverture.

 

Le Livre sans titre est un mystère. Il est lui aussi manuscrit, mais dans une langue illisible. La tradition familiale suggère en fait que ce langage est inconnu sur Terre. Ses gribouillages et ses demi-lettres ont toujours été une énigme. Le livre peut être sécurisé à l'aide d'un fermoir en bronze doté d'une serrure pour laquelle aucune clef n'existe. Darcus prétend avoir trouvé un moyen pour le lire, mais c'était tout autant un grand menteur qu'un assassin.

 

Tu es désormais le gardien. Ne révèle jamais, à personne, que tu détiens ces livres. Notre mission est simple : préserver ces ouvrages. Notre ennemi inconnu est selon les histoires un adversaire formidable qui jamais ne se repose et jamais n'abandonne. Sois toujours sur tes gardes, en permanence. Ne te laisse jamais décourager. Depuis la tombe, je te supplie de reprendre le fardeau des McCrindle, et de le porter sur tes épaules.

 

                                                                                                                                                             Oncle Silas

 

PS : Darcus est interné à l'hôpital d'état pour déments du Wisconsin. Il devrait approcher la soixantaine désormais. C'est un solide gaillard. N'entre pas en contact avec lui. S'il devait un jour s'échapper, ne le sous-estime pas. Mon principal conseil serait de cacher les livres et de le laisser les chercher. Situ devais t'opposer à lui, il révélerait certainement sa démence meurtrière. »

 

Comprenant l'erreur qu'ils avaient commise en vendant ces livres, nos amis se rendirent immédiatement chez Melle West mais, sur chemin, se firent attaquer par une force invisible et ricanante qui percuta un de leurs véhicules. Sortant de leurs voitures pour faire face à cette mystérieuse attaque, nos amis virent alors avec effroi le corps d'Edward se soulever du sol et commencer à se ratatiner sur lui-même. Puis ils virent l'horrible chose qui le soulevait apparaître peu à peu, son corps semblant se gorger du sang d'Edward qu'elle était en train d'absorber. « Rouge et ruisselante, c'était un immense tas de gelée volante secouée de pulsations et de frémissements ; une tâche écarlate aux mille membres tentaculaires qui ondoyaient dans tous les sens. L'extrémité de chaque appendice était munie de suçoirs, qui se fermaient et s'ouvraient, mus par une convoitise vampirique »... Sous les regards paniqués de nos new-yorkais, l'immonde chose vampirique s'éloigna dans le ciel étoilé d'Arkham, en direction du Nord, tenant toujours Ed dans ses terribles serres...

 

Ayant appris, grâce à un télégramme trouvé dans les effets personnels de l'oncle Silas, que Darcus McCrindle s'était récemment échappé de l'asile d'aliénés où il était enfermé dans le Wisconsin, et voyant la police locale trop peu active, nos investigateurs décidèrent de suivre la direction qu'avait prise le monstre et décidèrent d'explorer un petit bois situé au nord d'Arkham... Ils organisèrent une battue en pleine nuit et finirent par découvrir une cabane apparemment habitée. C'est à ce moment qu'ils se firent attaquer par surprise par Darcus qui s'était approché silencieusement et qui asséna plusieurs coups de massue à Earl dont le dernier lui déboîta littéralement l'épaule, le rendant incapable d'agir par la suite sans ressentir une intense douleur. Heureusement, Elmet parvint à lui tirer dessus et à le tuer de deux balles dans le corps et d'une dans la tête. Dans la cabane isolée, nos investigateurs découvrirent les restes découpés et à moitié dévorés de l'ancien habitant des lieux ainsi que leur ami Edward, attaché à une chaudière, inconscient et à la limite de la mort...

 

Edward et Earl furent emmenés à l'hôpital Miskatonic d'Arkham et furent placés entre de bonnes mains. Le lendemain, Jack Tobias et Elmet se rendirent chez Elizabeth West et lui ordonnèrent de leur révéler qui avait acheté les quatre livres maudits de l'oncle Silas. Il s'agissait d'un dénommé Jefferson Marsters, libraire spécialisé dans les livres anciens, situé à New-York. Celui-ci avait même insisté pour payer aux prix fort chacun des quatre ouvrages... Nos trois investigateurs retournèrent donc à New-York et se rendirent à la librairie de Jefferson Marsters. Celui-ci était absent mais sous leurs menaces, l'employé leur révéla rapidement son adresse personnelle.

 

Arrivés sur place, personne ne répondit aux coups donnés sur la porte. Jack décida d'enfoncer celle-ci et nos amis entrèrent dans la maison du libraire. Ils découvrirent alors Jefferson Marster, assis à son bureau, en train d'entamer la lecture de Monstres et leurs semblables, une paire de boules Quiès enfoncée dans les oreilles afin de ne pas être dérangé. Elmet, Tobias et Jack lui reprirent les livres sans ménagement, Tobias brandissant même sa carte de police, et partirent avec les précieux grimoires, abandonnant Marsters, qui ne semblait pas bien dangereux, à son triste sort...

 

Elmet Mac Donnel, ou plutôt Elmet McCrindle, le nouveau gardien de ces savoirs impies, décida de mettre les livres en lieu sûr, dans une cache secrète située dans sa cave. Nul n'entama la lecture de l'un d'entre eux et les horreurs qu'ils contenaient étaient à nouveau cachées et éloignées des regards de l'humanité...