Le 6 janvier 1923...
C'est fébrilement que j'écris cette page, installé dans un compartiment du train qui nous emmène vers Douvres.
S'il s'avérait que quelqu'un, un jour, lise mon témoignage, nul doute qu'il soupçonnerait l'auteur d'être un dément. Peut-être n'aurait-il pas tort, peut-être le suis-je devenu, car tout ce que je relate ici est la stricte et abominable vérité et dans de telles circontances, qui pourrait encore rester sain d'esprit ?
Par ou commencerai-je ? Le rituel contre la dixième muse ? Le pauvre corps mutilé du professeur et sa dernière volonté ? Ou bien cette sinistre silhouette qui semble nous observer et ne jamais vouloir disparaître ?
Je ne sais... tout s'emmèle à présent dans mon esprit troublé. Moi qui ait pourtant assisté aux ravages de la guerre et qui croyait avoir le coeur endurci, je me sens faible et vulnérable comme un nouveau-né.
Comme nous étions pâles, Augustin Pierrepont et moi-même lorsque nous avons vus nos compagnons d'infortune redescendre de ce train fantôme, ce train de malheur ! Oui, un vrai train, dans une chambre d'hôtel ! N'est-ce pas insensé !
En couchant cela sur du papier, j'essaie de prendre du recul et d'éxorciser ces funestes évènements, mais le temblement de mes mains me trahit. Je sais à présent combien le psychisme humain est perfectible et combien le monde peut receler d'horreurs insoupçonnées.
Dieu nous aidera-t-il dans notre mission ? La Providence nous sera-t-elle favorable ?
A quoi se raccrocher lorsque notre conscience faillit ?
Nous devrons puiser notre force dans notre confiance mutuelle et dans la conviction que nous agissons pour le Bien commun. Cela seulement nous permettra de tenir.
Quelles noires machinations se trament autour de nous et jusqu'au confins de l'Europe ?