Nous quittons Ferromaine alors que le printemps illumine la Mer Coradienne. En tête, Jan, Kihan, Séline et Raltislov chevauchent en compagnie des ducs et duchesses des Marches de l’Ouest. Sur une route pourtant réputée pour sa sureté, il ne nous faut guère plus de deux jours avant d’être attaqués. D’abord des frondeurs gobelins isolés et la mort d’un compagnon de Séline. Nous tentons de réagir mais le terrain est à leur avantage. Nos archers sont inefficaces. Ils précipitent des troncs d’arbres sur la cavalerie des Marches. Séline manque d’être emporté alors qu’il tente de rejoindre ses troupes à pied, à l’arrière de la colonne. Raltislov veut attaquer mais il remarque un groupe de gobelins qui nous prend à revers et dévalise nos chariots de provisions. Le stratagème découvert, les Gobelins ne tardent pas à décamper. La colère de Raltislov n’y changera rien, impossible de les poursuivre dans ces rochers.
Nous mettons une semaine pour atteindre Baumersheim, à la frontière du Royaume d’Ourlande. La ville est en effervescence. De nombreuses troupes y transitent, se bousculant en attendant leur tour de franchir la rivière. Nos compagnons de route nous éclairent sur la situation. Tous ces hommes partent affronter les goules des glaces qui déferlent sur les plaines gelées de Kraarth. Beaucoup ne reviendront pas. Mes compagnons du Magnamund commencent à mieux comprendre le fatalisme de leurs hôtes (qu’ils avaient déjà remarqué suite à l’attaque des Gobelins) et pourquoi leur présence en ville ne suscite finalement que peu d’émoi. Ils sont reçus avec courtoisie par le Duc Diensthar de Baumersheim.
Nous reprenons la route, cap au Nord, prochaine étape : Rathurbosk sur la Gouge, à la frontière kraarthite. Je suis impatiente de découvrir cette noble cité, réputée pour son architecture unique. Sur place, le même souk. La ville est magnifique mais nous n’en profitons guère. Tous les citadins s’activent. L’armée des Marches défile à toute heure dans le fracas de leurs lourds harnachements, monstres de métal et de fourrure, bardés de piques et de pointes, comme surgis d’antiques légendes nordiques. Séline parvient à obtenir les informations qu’il souhaitait grâce au concours d’un étrange vieillard affirmant avoir 127 ans et avoir connu Jagranaska de son vivant. Il évoquera brièvement sa rencontre avec une magicienne de nom d’Esmeralda puis, se murera dans ses lectures pour la suite du périple. Raltislov se montre d’une humeur massacrante et nous sommes soulagés de partir.
Une route difficile nous attend jusqu’à Méore, surtout en cette saison. La piste est étroite le long de la côte et la Gouge laisse peu à peu place aux eaux grises de la Mer de Mergeld, houleuse et venteuse. Raltislov accomplit un exploit en empêchant un chariot de partir à la mer avec un glissement de terrain. La pluie ne cesse pas mais ce geste de notre capitaine redonne espoir aux hommes. Les Dieux sont avec nous. Nous atteignons Méore après dix jours. Le Roi Ombelsvrand IV nous accueille avec bienveillance et Séline parvient à le convaincre de l’importance de notre mission. Il met à notre disposition un navire ; nous en louons deux autres.
La traversée de la Mer de Mergeld fut agitée. Nous autres, Despérides, sommes insensibles au « mal de mer » mais nos alliés slovians étaient souvent malades et cette atmosphère morbide ne contribua pas à rendre le trajet agréable. De plus, à Clyster, une mauvaise surprise nous attendait. Le port était bouclé ; des dizaines de navire en barraient l’accès. Séline fut reçu après palabres par un chambellan têtu, se refusant à prendre la moindre décision en l’absence de son Duc (en partie de chasse pour plusieurs jours). Nous étions assignés au mouillage. Nous patientâmes trois jours avant que les navires d’Ousmane n’apparaissent à l’horizon.
Chantea d’Alquiera, Coursier de Slovia