Les langues turciques, scientifiquement appelées « langues ouralo-altaïques » sont parlées sur une vaste région courant de l’Europe jusqu’en Sibérie orientale et de Chine Occidentale jusqu’en Anatolie. Il existe en effet plus de trente langues issues de ce berceau dont les cousins les plus proches sont le Coréen et le Japonais ancien. On distingue au sein de cette aire linguistique trois grands ensembles : les langues turques, les langues mongoles et les langues toungouzes. Ce dernier ensemble comprend deux groupes principaux dits septentrional et méridional. Le groupe méridional tout d’abord, comprend lui-même différentes « langues mères » dont sont nés de nombreux dialectes. Le Mandchoue apparaît comme l’une de ces « langues mères » puisque le Sibo et le Jou-Jouen lui sont directement apparentés. Ensuite, le cas du Nanaï est intéressant car il a donné l’Orok et le Ulch, parlés sur la péninsule du Kamtchatka. Enfin, l’Udihe est la dernière des « langues mères » de ce berceau méridional ; Le Khor et l’Orotch en sont les dialectes les plus connus à ce jour. Le groupe septentrional est plus réduit et plus simple à étudier ; en effet, ces peuples sont dispersés sur les étendues immenses et glaciales de la Sibérie. Les principaux dialectes connus en sont l’Evenk, le Lamoute et le Negidal, langues fort intéressantes de part leur ancienneté.
L’ensemble des langues mongoles est aujourd’hui bien connu et officiellement divisé entre le Khalkha (comprenant le Mongol et le Bouriate notamment), l’Oïrat (Kalmouk et Darkhat), le Mongour (allant du Tu, du Pao-An, au Dongxiang en passant par le Yougour oriental), puis enfin, le Dagour (Voir sur ce sujet les notes du Professeur Louis-Armand von Walkenberg parues à l’Université de Tübingen).
Les langues turques apparaissent, en comparaison de ces nombreux dialectes très intéressants mais fort primitifs, plus nombreuses et plus évoluées. On distingue ici quatre grands groupes (si toutefois l’on en extrait les langues hunniques encore mal connues de nos jours). Le groupe des langues sibéro-altaïques est assurément le plus complexe et le moins étudié à ce jour. Son côté altaïque comprend l’Ouïgour, l’Ouzbek, l’Oïrote, le Djagataï et le Yougour occidental, son côté sibérien quant à lui compte des langues telles que le Yakoute, le Soïote, le Tatar de l\'Inisseï, le Chor ou encore le Dolgan. La langue Tchouvache semble constituer un groupe distinct, tandis que les langues kiptchak comptent trois sous-groupes : les langues Aralo-caspiennes (Kazakh, Kirghiz, Nogaïque, Karakalpak) les langues Ponto-caspiennes (Koumyk, Karadjaï, Karaïm) et les langues Ouraliennes (Tatar et Bachkir).
Nous finirons donc cet exposé par les langues Oghouz dont font partie le Turkmène, l’Azéri et celle qui nous intéresse : le Turc. Le Turc apparaît aux lendemains de la Grande Guerre comme la langue « moderne » de cet ensemble de langues ouralo-altaïques. Mais il ne faut pas oublier que le Turc fait partie intégrante de ces dialectes païens issus des plus anciennes traditions. Langue d’un peuple nomade, le Turc a parcouru de vastes espaces, s’est transformé, a muté jusqu’à devenir le langage que nous connaissons aujourd’hui. Au regard des langues qui lui sont apparentées, on peut dire que le Turc, langue agglutinante aux principes simples et remontant aux âges anciens, demeure une langue primitive, intimement lié aux croyances et cultes des anciens nomades dont il descend. Sa grande modernité lui vient seulement du fait que le Turc moderne a eu près de 1 000 ans pour s’adapter aux principes de l’Islam et du monothéisme.
Sir Welton Charles Hull, Les langues turciques.
Presses de l’Université d’Oxford, Ed. Déc. 1922